Soutenu par des partenaires internationaux, notamment les Etats-Unis, «Articrea» souligne la nécessité d’adapter les capacités de production aux nouvelles exigences du marché mondial, tout en préservant l’authenticité et l’excellence du savoir-faire tunisien.
La Foire internationale du Kram accueille du 9 au 15 septembre 2024, la première édition d’«Articrea», un salon dédié aux professionnels de l’artisanat et des métiers d’art. Cet événement, qui a été organisé pour mettre en avant la richesse de l’artisanat tunisien, a rassemblé une grande diversité d’exposants, de décideurs économiques et d’acheteurs internationaux venus découvrir les trésors artisanaux de la Tunisie. A cette occasion, l’ambassadeur des Etats-Unis en Tunisie, Joey Hood, a effectué une visite au salon, le 11 septembre 2024. Accompagné de Faouzi Ben Halima, directeur général de l’Office national de l’artisanat, il a pu découvrir les projets phares de cette édition, notamment le projet «Action collaborative pour les exportations artisanales» (Acea).
Un salon aux ambitions internationales
En effet, «Articrea 2024» s’est distingué non seulement par la qualité et la diversité des produits exposés, mais aussi par l’ambition de renforcer les connexions entre les artisans tunisiens et les acheteurs internationaux, en particulier ceux venus des Etats-Unis. Pour cette année, l’événement a réuni plus de 300 participants, parmi lesquels des professionnels de secteurs variés, venus explorer de nouvelles opportunités de partenariat commercial. L’objectif principal du salon : permettre aux artisans locaux d’accéder à de nouveaux marchés, notamment en Amérique du Nord, et ainsi renforcer leur compétitivité à l’international.
Le projet «Acea», soutenu par l’ambassade des Etats-Unis, a été l’une des principales attractions du salon. Ce dernier repose sur un partenariat stratégique avec l’Onat et vise à structurer et à moderniser le secteur de l’artisanat en Tunisie. À travers la participation de groupements comme Wikipam (produits à base de plantes aromatiques), Oleart (bois d’olivier), Ragma (tissage amazigh) et Barrama (poterie artisanale), «Acea» a permis de mettre en valeur le savoir-faire unique de la Tunisie. Ces créations sont non seulement des produits, mais aussi des témoignages d’un héritage culturel précieux.
L’engagement durable des Etats-Unis envers l’artisanat tunisien
Dans une déclaration accordée aux médias, Joey Hood a souligné l’importance du partenariat tuniso-américain dans le domaine de l’artisanat. «Les Etats-Unis soutiennent ce secteur depuis plus de 12 ans, et grâce à nos efforts conjoints avec l’Onat, nous avons pu observer une croissance significative», a-t-il affirmé, tout en rappelant que les Etats-Unis, premier importateur de produits artisanaux tunisiens, illustrent bien le soutien apporté aux artisans locaux pour accéder aux marchés internationaux.
Chiffres à l’appui, l’ambassadeur a précisé qu’à travers un investissement de 19 millions de dinars dans la formation, l’équipement et le marketing, ce soutien a permis de faire passer les exportations artisanales tunisiennes de 1 à 49 millions de dinars, soit une augmentation de près de 5.000% entre 2012 et 2024.
Les statistiques montrent que les Etats-Unis détiennent une part significative du marché des produits artisanaux tunisiens, représentant un tiers des exportations dans ce secteur. «Cette position souligne l’engagement des Etats-Unis à maintenir et à accroître cette proportion, faisant de l’Amérique le principal importateur des produits artisanaux tunisiens. Et en conservant l’étiquette «Made in Tunisia» sur ces produits, les Etats-Unis offrent aux consommateurs américains l’opportunité de découvrir non seulement la qualité exceptionnelle des articles tunisiens, mais aussi l’histoire et les traditions qui les sous-tendent. «Cette dynamique favorise une meilleure compréhension et appréciation du marché tunisien et renforce les liens culturels entre les deux pays», a encore précisé l’ambassadeur. Hood a également mis en avant l’impact de ce projet sur le développement des régions intérieures du pays. Des artisans venus de zones parfois marginalisées, comme Siliana et Jendouba, ont bénéficié de ces initiatives. «En offrant des formations à plus de 1.200 artisans, dont plus de 800 femmes, le projet «Acea» a créé plus de 800 emplois et attiré 18 millions de dinars d’investissements supplémentaires», a-t-il souligné. Cependant, cette croissance exponentielle présente également des défis. Selon l’ambassadeur, la demande croissante des marchés internationaux, notamment américain, peut exercer une pression sur les capacités de production des artisans tunisiens. «Il est crucial de gérer cette demande afin de permettre aux artisans de se développer à leur rythme, tout en maintenant des prix élevés pour récompenser leur travail unique», a-t-il ajouté.
L’ambassadeur a, également, souligné que «Articrea 2024» s’est révélé être bien plus qu’un simple salon commercial. Il incarne la volonté des artisans tunisiens de se hisser sur la scène internationale, tout en préservant les traditions et l’authenticité de leur savoir-faire. Mais comme le souligne Hood, «les artisans tunisiens n’ont fait qu’effleurer la surface du marché américain. Le potentiel est immense et les perspectives sont réjouissantes».
La capacité de production, l’autre paire des manches
Pour sa part, Faouzi Ben Halima a indiqué que ce partenariat stratégique entre la Tunisie et l’ambassade des Etats-Unis s’inscrit dans une dynamique de promotion et de développement du secteur de l’artisanat tunisien. «Ce partenariat, entamé dès 2013, témoigne d’une coopération fructueuse qui vise à positionner les produits artisanaux tunisiens sur le marché américain, désormais considéré comme le principal débouché pour ce secteur», a-t-il précisé. Selon Ben Halima, ce partenariat repose sur plusieurs axes, notamment l’amélioration de la qualité des produits artisanaux tunisiens pour répondre aux exigences du marché international, et en particulier des consommateurs américains. «Nous avons lancé plusieurs programmes avec l’ambassade américaine pour organiser et structurer le secteur de l’artisanat, tout en veillant à une montée en gamme des produits. Cette coopération s’est notamment concrétisée par des actions ciblant des spécialités spécifiques, telles que le bois d’olivier, le tissage et la poterie de Sejnane, trois domaines porteurs à l’exportation», a-t-il déclaré. Il a, aussi, indiqué que l’Onat a, également, accompagné la formation des artisans et mis en place des actions de labellisation et de certification, des éléments devenus essentiels pour répondre aux standards de qualité requis par les marchés étrangers. Cette approche a permis à certains artisans tunisiens de participer à des salons internationaux de premier plan, tels que la foire de New York, où l’artisanat tunisien a pu se distinguer.Toutefois, malgré les succès enregistrés, Ben Halima n’a pas manqué de souligner l’un des principaux obstacles qui freinent l’expansion des exportations : la capacité de production encore limitée des artisans tunisiens. «Actuellement, nos exportations vers les Etats-Unis atteignent plus de 40 millions de dinars, mais nous sommes convaincus que ce chiffre pourrait rapidement doubler, voire atteindre 100 millions de dinars, à condition d’augmenter notre capacité de production», a-t-il ajouté.
Ce manque de capacité constitue un frein pour les petites structures artisanales, qui, bien qu’elles produisent des articles de grande qualité, ne parviennent pas à satisfaire la demande croissante du marché international. Ben Halima a précisé que des efforts sont en cours pour remédier à cette situation, notamment à travers des programmes de mise à niveau des entreprises artisanales et de renforcement des infrastructures de production.
Un soutien technique plutôt que financier
Interrogé sur la nature de l’assistance apportée dans le cadre de ce partenariat, Ben Halima a expliqué qu’il ne s’agissait pas de financements directs, mais plutôt d’un soutien technique. «Le financement concerne la mise en œuvre de diverses actions de promotion, de commercialisation, de formation et de labellisation des produits. Ce sont les artisans eux-mêmes qui bénéficient de cette assistance, grâce à l’intervention d’experts tunisiens et étrangers», a-t-il précisé. Cette assistance permet non seulement de renforcer les compétences techniques des artisans, mais aussi de les accompagner dans la conquête de nouveaux marchés.
L’une des grandes avancées de ce partenariat réside aussi dans la mise en place d’un label spécifique pour les produits artisanaux tunisiens. Ce label, actuellement en phase de finalisation, a pour objectif de valoriser les articles issus de l’artisanat national, en leur conférant une reconnaissance internationale. «Le décret est en cours de diffusion, et nous travaillons activement à la préparation des cahiers des charges qui permettront d’octroyer ce label aux artisans et aux entreprises répondant aux critères de qualité définis», a indiqué le directeur de l’Onat. Ce label devrait constituer un véritable levier de croissance pour les exportations artisanales tunisiennes, en augmentant la visibilité des produits et en facilitant leur entrée sur des marchés exigeants, tels que les Etats-Unis, le Canada ou encore le Japon.
L’artisanat, un secteur en pleine mutation
Ben Halima s’est félicité de la transformation que connaît le secteur de l’artisanat en Tunisie, notamment avec l’arrivée d’une nouvelle génération de jeunes artisans, diplômés des écoles de design et des beaux-arts. «Nous constatons aujourd’hui une véritable modernisation du secteur, avec des créations plus innovantes et contemporaines, portées par de jeunes promoteurs ambitieux.
Cela contribue à redynamiser l’artisanat tunisien et à attirer un nouveau public, tant au niveau local qu’international», a-t-il assuré. Et d’ajouter qu’avec cette coopération renouvelée et un intérêt croissant pour l’artisanat tunisien, les perspectives de développement pour ce secteur clé de l’économie sont prometteuses, à condition de lever les défis structurels qui persistent, notamment en matière de capacité de production. Ceci pour dire qu’avec l’appui de partenaires internationaux et une demande mondiale croissante, l’artisanat tunisien semble prêt à relever les défis de son internationalisation, tout en préservant ses racines et son authenticité.
Cependant, le chemin reste parsemé d’obstacles, notamment en termes de production et de formation. Le soutien technique et la mise en place d’un cadre réglementaire adapté seront essentiels pour faire de l’artisanat tunisien un acteur incontournable sur la scène mondiale.